mercredi 24 septembre 2014

"40 jours de nuit"


40 Jours de nuit, Michelle Paver, 
éd. Hachette, coll. Black moon, dés 16 ans.



Imaginez: 40 jours de nuit totale, dans le froid et l'inconnu de l'arctique. 40 jours sans lumière, si ce n'est parfois celle de la lune, quand les nuages n'ont pas décidé de l'engouffrer. Et puis le silence que seul viennent rompre notre propre respiration, l'aboiement des huskies ou le hurlement du vent glacial. Et puis, la solitude, le cerveau reptilien qui nous rappelle cette peur profonde, ancestrale du noir ou plutôt de ce que cache le noir... Nous sommes près de Spitzberg, l'actuel Svalbard, en 1937.

Jack Miller, 28 ans, jeune londonien pauvre, seul et déprimé, saisit sa chance de vivre son rêve et de changer sa vie en participant avec quatre autres jeunes scientifiques nantis à une expédition météorologique au pôle nord. Le roman se présente sous la forme du journal tenu par Jack: la perception qu'il a de ses riches "collègues", sa haine initiale des chiens, sa fascination pour les étendues infinies, vierges et sauvages qui entourent le bateau, son amitié naissante pour Gus, l'émotion devant la première aurore boréale. Mais aussi le refus du capitaine Eriksson de les débarquer à Gruhuken, lieu de leur campement, la terreur et les non-dits qui se lisent sur son visage,  la poisse qui semble frapper l'expédition contraignant peu à peu les compagnons de Jack d'abandonner la mission. Et puis la fatale décision de Jack de rester, seul, malgré tout pour ne pas décevoir son ami. Comment survivre, mettre des mots sur ce qui se passe, sur les ressentis pour ne pas devenir fou...
Comme toujours, Michelle Paver ( Le temps des héros, un de mes coups de cœur) est précise dans ses descriptions, on entend les gémissements des icebergs, le chant des bulles d'oxygène mourant au sein de la glace, le crissement des raquettes dans la neige, on sens les odeurs de goudron, de graisse de phoques, d'urine de chien, on perçoit le froid mordant, les poils d'Isaak le husky qui se dressent de terreur... Et cet "être" qui rôde, est-ce une pure production d'un esprit abandonné à l'obscurité?
J'avoue, j'ai lu ce livre dans les meilleures conditions: coincée dans un chalet gaumais entouré de neige, en ce mois de janvier sombre et glacé. Mais vraiment, l'épouvante est distillée au compte goutte et m'a obligée plusieurs fois à fermer le livre pour souffler et calmer mon ventre qui se nouait. Parce que tout ce que vit Jack est possible et vécu simultanément par nous, pauvre lecteur! On ne tombe jamais dans le roman d'horreur ou de fantasy. Bravo aussi pour la parfaite maîtrise des chapitres d'ouverture et de clôture du roman. Bref, un mélange extrêmement bien réussi entre Jack London et Blair Witch Project.