mercredi 24 septembre 2014

"Pierre contre ciseaux"


Pierre contre ciseaux, Inès Garland, 
éd. L'école des loisir, dés 15 ans.



Ce livre m'a complètement bouleversée... J'ai été chamboulée pendant des jours, dans l'impossibilité de lire quoi que ce soit d'autre. D'abord parce que l'écriture est sublime et la traduction respectueuse. Inès Garland est tellement juste quand elle décrit la vie, les sensations et les émois d'Alma. Alma c'est cette adolescente nantie à l'éducation stricte qui vient passer ses week-end dans la maison familiale d'une île du Delta de Buenos Aires. Sa vie protégée, dans une bulle de confort, en contraste avec celle de sa meilleure amie Carmen et du frère de cette dernière Marito, qui habitent une petite baraque sur l'île, dans la pauvreté et subissant les inondations périodiques du Río Paraná.



L'auteur est tellement juste quand Alma nous raconte, avec le recul, cette partie de sa vie, ces détails anodins qui marquent les moments importants de l'adolescence et qui resteront gravés de manière indélébile dans la mémoire: la lumière, le papier peint, les motifs d'une couverture, les odeurs, le tableau accroché au mur, cette phrase ou cette attitude maladroite et involontaire qui brise une amitié, cette douleur dans le corps qui fait comprendre que l'amitié s'est transformée en amour...
L'autre grande force du roman est de ne donner la parole qu'à Alma. On ne lit les événements qu'à travers ses yeux: comme elle, on subit le manque de Carmen sans savoir ce qu'elle est en train de vivre. Comme elle, on devient folle de ne pas savoir ce qui est arrivé à Marito, sans vraiment mesurer l'ampleur de la violence qui règne dans le pays. On sent que cette amour où s'entrechoquent deux classes sociales va mal finir, que le drame va s'inviter dans sa vie, on l'attend, on le redoute.
Et puis, il y a l'épilogue, Alma, revient sur les lieux de sa jeunesse alors que trente ans ont passé... et là on comprend.
Et puis, il y a une page de note de l'éditeur et là, comme dans Valse avec Bachir, quand on voit les vraies images du massacre après le film d'animation plutôt onirique, on reçoit une énorme claque en pleine figure et on sait qu'on n'est pas prêt d'oublier ce roman...