Les petites reines, Clémentine Beauvais,
éd. Sarbacane, dès 12 ans.
Les petites reines est un roman savoureux, un roman plaisir grâce à l'humour décapant et à l'autodérision de Mireille, la narratrice. Mais c'est aussi un roman intelligent qui aborde des sujets plus sérieux, vieux comme le monde (la paternité, les dommages collatéraux des guerres, la disparité physique) et bien actuels (les réseaux sociaux et le harcèlement via le net). Les femmes du roman sont fortes, courageuses, drôles, attachantes et les hommes sont touchants au delà de leurs faiblesses. Un livre qui fait du bien aussi, avec une belle complicité qui se construit au fil des pages, des personnages qui se réparent et reviennent grandis. Donc, on n'hésite pas, on se précipite!
Au fil des pages:
"En maternelle, Malo était mon meilleur ami. A l'époque il n'était ni bête ni méchant. On rigolait bien (...) C'est le CM2 qui nous a un peu séparés. Il a trouvé des potes qui lui ont dit,Tain, Malo, ta copine Mireille, c'est un gros thon. Elle est moche comme un cul. Peu à peu, il s'est dit Tain mais c'est la vérité, j'ai pris des bains avec un gros thon. J'ai donné des claques de gants de toilette à une fille moche comme un cul. Et au collège, c'était plié. Premier jour de sixième, je me suis approchée de lui:
- Hello Malo!
Il était avec un groupe de mecs qui sentaient effroyablement le gel-douche Axe, celui où dans la pub on voit des filles à poil en train de se frotter de manière érotique avec des bouteilles dudit gel-douche Axe, alors que chacun sait que ça pique atrocement les parties génitales de se mettre du savon direct dessus.
Il a répondu:
- Ouai, quoi. Queskiya.
Moi:
- Ben rien, juste hello! Ça roule? J'ai pas eu ma carte postale habituelle, cet été. T'es pas allé en Bretagne?
Lui:
- Mais kestumparles, espèce de grosse vache.
Moi:
- Meuuuuuuuuh!
Et je suis partie en galopant, après lui avoir tiré la langue.
Cela est - encore - un mensonge.
Je n'ai pas du tout fait "Meuuuuuuuuh", je ne suis pas partie drapée d'humour et de détachement, je suis juste restée plantée là, à écarquiller les yeux jusqu'à ce que mes globes oculaires tombent à l'intérieur de ma boîte crânienne, (...) et trois heures plus tard, quand l'infirmière scolaire les a récupérés avec une pince à escargot et les a remis dans mes orbites, j'ai retrouvé la vue dans un monde où j'étais devenue une grosse vache."